Cérémonie émouvante et intimiste ce jeudi à Jemeppe sur Sambre en l'honneur d'une amitié née en 1945 avec les enfants de Bure. Bure, ce petit village des Ardennes, qui fut dévasté après l'offensive Von Rundstedt.
Anne Marie Dufoing attendait ce moment depuis 80 ans. Enfin, pouvoir remercier Jemeppe et ses habitants de l'avoir accueillie et de lui avoir donné un peu de réconfort après les combats qui avaient en 1945, détruit son petit village de Bure, dans les Ardennes. Sensible à son histoire, la commune de Jemeppe a tout de suite rassemblé les énergies pour en savoir plus sur cet épisode de l'histoire et le transmettre aux générations futures. Le bourgmestre, Jean-Luc Evrard, nous dit son émotion en découvrant cet épisode de l'histoire de Jemeppe.
J'ai été contacté par une lettre de madame Dufoing m'expliquant un petit peu son histoire, qu'elle était venue ici à Jemeppe et qu'elle avait été accueillie ici pendant la guerre. Et donc, quand j'ai lu son courrier, il m'a vraiment touché et je me suis dit qu'on n'allait pas laisser cela lettre morte.
Ce sont donc tous les derniers témoins encore vivants de cette histoire qui sont venus à Jemeppe pour cette petite cérémonie. L'occasion d'échanger des souvenirs sur ce qui s'est passé exactement il y a 80 ans.
Nous sommes en décembre 1944 à Bure, en Ardenne. Le village est au centre de violents combats entre les armées allemandes et britanniques. Les habitants se réfugient dans les caves d'un ancien château.
Parmi eux, des enfants.
Les plus jeunes, comme Anne-Marie Dufoing, insouciants, les autres, comme Louis Limet, terrifiés :
On jouait, nous, les enfants, sur des tas de pommes de terre recouverts de sacs ou de couvertures. Et voilà, on entendait des bruits extérieurs, on entendait bien les grands mères qui disaient leurs chapelets parce que ça faisait peur. Mais nous, on était insouciants.
C'était tellement dur que mon père, qui n'était certainement pas un enfant de chœur, il s'est jeté à genoux à ce moment là et implorant Notre Dame de Haurt, une chapelle un peu en dehors du village. Il a dit : "Notre Dame de Haurt, changez la direction du tir ! "
Après avoir passé trois semaines dans les caves, les habitants retrouvent leur village libéré mais en ruines. Il fait glacial en janvier 45, les villageois ont tout perdu.
Michel Flémal, secrétaire du Cercle de généalogie et d'histoire de la Basse-sambre, nous raconte :
Il n'y a plus rien. Plus de ligne téléphonique, plus de clôture. Il y a que des corps qui s'enchevêtrent les uns dans les autres. C'est abominable. Et des mines partout, partout. Donc les enfants ne savent pas bouger sans sauter sur une mine!
Louis, 7 ans ans à l'époque, se souvient des jeux inconscients et dangereux auxquels il a joué :
On jouait avec des obus. On enlevait les pointes d'obus, on avait des cartouches et c'étaient des jeux d'enfants. Très dangereux, évidemment. Ce qui explique que beaucoup d'enfants sont venus à Jemeppe-sur-Sambre.
Car oui, une solidarité nationale s'organise pour aider les villages sinistrés. Mais il faut attendre la fonte des neiges en mars 45 pour que les enfants soient envoyés loin du péril. Anne-Marie se souvient du départ en camion :
Je vois le camion dans la cour de la ferme et les enfants qui rentrent dans ce camion. Mes frères partaient. Et moi je me vois dire : "Mais moi aussi je veux aller là bas". Et alors on me répond :" Ben non, non, non, ce n'est pas prévu que tu y ailles." Et alors un homme a dit : "ben, si, si, j'ai une fille de 20 ans qui pourra s'occuper d'elle ! "
Dans les familles jemeppoises les liens tissés durant les six mois qu'ont duré cet accueil n'ont jamais été oubliés, comme le souligne Pierre Mollet, un cousin de la famille qui a accueilli Anne-Marie :
On a toujours conservé un contact. Voilà, ça c'est une histoire qui est restée et qui restera toujours.
Une photo de famille a clôturé cette cérémonie qui a fortement ému les participants comme Louis Limet :
C'est une joie énorme, parce que, avec Anne-Marie, on se disait maintenant, après 80 ans, on peut clore ce chapitre là parce que ce chapitre là, il est inscrit ici, il est inscrit sur la plaque à l'extérieur. Il est inscrit dans la mémoire de personnes qui vivent encore. Il est inscrit dans les autorités de Jemeppe-sur-Sambre qui vont transmettre ça. et maintenant c'est une transmission à vie.
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