Une équipe de chercheurs vient d'en publier les preuves directes. C'est la 2e fois que cette grotte livre une découverte majeure. Après la mâchoire d'enfant de Neandertal qui avait été mise au jour en 1993, la récente trouvaille est unique au monde.
L'heure est solennelle pour tous les chercheurs qui travaillent à la grotte Scladina. Devant nos yeux, ils présentent ces petits ossements qui font grandement avancer les connaissances sur l'homme de Neandertal. Grégory Abrams, archéo-zoologue à l'UGent, explique la particularité de cette découverte :
C'est la seule fois, et même la première en fait, qu'on a des outils fabriqués sur ossements de lions des cavernes qui sont attribués à l'homme de Neandertal. Donc ça en fait une découverte tout à fait unique puisque jusqu'à présent, on savait que l'homme de Neandertal avait côtoyé les lions des cavernes puisqu'on les retrouve dans les mêmes couches archéologiques. Mais on n'avait jamais trouvé de traces qui montrent que ces ossements ont été exploités de manière raisonnée par les hommes de Neandertal.
La grotte contient des sédiments qui représentent environ 500 000 années, et c'est en examinant la couche du Paléolithique moyen à environ 130 000 ans du présent, dans un épisode de l'avant dernière glaciation, que l'on a retrouvé ces outils en os de lion des cavernes. Kévin Di Modica, archéologue à l'espace muséal d'Andenne, nous situe la découverte dans son contexte :
Dans ce niveau-là, on va retrouver des traces du passage des Néandertaliens, énormément d'outils qui sont faits en pierre, que ce soit en silex, en quartz, ou en quartzite. Ces outils nous montrent que les Néandertaliens sont venus ici en emportant leurs outils, donc ils avaient planifié leur halte. En arrivant ici, ils ont utilisé des matériaux qui sont disponibles aussi aux environs, donc ils ont été capables de s'adapter aux conditions locales. Et on retrouve aussi énormément d'ossements brûlés qui montrent qu'il y a eu du feu qui a été produit par ces populations, donc un vrai campement. Et en plus de ces outils en pierre, on a la chance de retrouver toute une série d'ossements animaux qui présentent des traces de découpe qui sont le résultat de la chasse et du traitement des carcasses, ainsi que toute une série d'ossements qui ont été utilisés en tant qu'outils, qu'ils soient fait à partir d'ours, mais dans le cas qui nous occupe ici de lions des cavernes.
En réalité, ces ossements avaient été extraits de la grotte déjà en 1982, mais l'état de la science à l'époque n'avait pas permis d'identifier l'espèce dont ils provenaient. C'est désormais chose faite grâce à l'analyse protéomique, une alternative à l'analyse ADN qui permet d'étudier les protéines présentes dans des ossements. Gregory Abrams :
On a commencé à faire ça il y a quelques années à peine. Il a fallu attendre que ça devienne systématique, que ça devienne routinier pour permettre de garantir la préservation des ossements, puisque ce sont des pièces qui sont relativement fragiles. Car en archéologie, il est rarement question d'abîmer des pièces pour faire des tests.
Les Néandertaliens chassaient-ils le lion des cavernes ? C'est presque une certitude et cela devait signifier beaucoup pour eux. Gregory Abrams :
Ce qu'on sait avec certitude, c'est que la carcasse était fraîche quand ils l'ont débitée, quand ils l'ont mise en morceaux. Si on ouvre la possibilité qu'ils l'aient chassé, ils n'ont pas affronté le plus grand prédateur qui leur était contemporain, sans un petit côté challenge derrière la tête. Et puis je pense que si ils l'ont chassé, il y a vraiment une portée symbolique.
La chasse serait d'ailleurs ce qui aurait amené ces nomades dans notre région. Kévin Di Modica :
Ce que l'industrie, les outils de la couche concernée permettent de démontrer notamment, c'est qu'il y a eu des haltes qui ont été faites pour aller s'approvisionner en silex pour pouvoir faire les outils en pierre. Scladina, c'est plutôt une halte où on a chassé. Donc en fonction de si ils ont besoin de ressources végétales, animales, ou d'eau, les Néandertaliens vont voyager d'un point à l'autre pour justement répondre à l'ensemble de leurs besoins.
Ces outils en os de lion des cavernes rejoindront bientôt les collections de l'espace muséal d'Andenne. L'article publié à la suite de cette découverte dans la revue scientifique "Scientific Reports" est quant à lui accessible en libre accès via le lien suivant.
https://www.nature.com/articles/s41598-025-08588-w
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