En 2024, Saphemo fête ses 40 ans. Situé à Sambreville, ce service d'accompagnement d'adultes en situation de handicap mental accomplit un travail de mise en autonomie assez exceptionnel. Les 120 bénéficiaires de Saphemo vivent dans leur appartement supervisé. Ils sont encadrés dans les différentes tâches de la vie quotidienne par une équipe d'éducateurs.trices. Un encadrement qui n'a pas de limite dans le temps.
Cet atelier cuisine, c'est l'une des activités organisées par Saphemo. La mission première de ce service d'accompagnement, c'est la mise en autonomie. Permettre à des personnes en déficience mentale de vivre seules en appartement. Un travail de longue haleine ! D'autant que la moitié environ présente, en plus des troubles psychologiques, des troubles psychotiques, comme nous l'explique Joseph Mitanis, le directeur de Saphemo.
Trouble parfois assez grave de la dépression au niveau chronique, trouble de l'angoisse, syndromes phobiques de personnes qui ont vraiment besoin au quotidien d'un travail autour d'elles, d'un suivi, d'une écoute.
Sébastien Piret est l'un des 120 bénéficiaires, suivi actuellement par Saphemo dans son processus d'autonomie. Sébastien dit qu'il aime participer à cet atelier parce qu'il est amené à côtoyer d'autres personnes. Mais il ne souffre pas pour autant de solitude.
Non, non, pas du tout ! Je suis toujours occupé, donc. Comment je m'occupe ? J'ai un ordinateur chez moi et donc je fais des recherches sur mon ordi. Je regarde parfois la télé, ça dépend.
Et cet atelier est l'occasion de tisser des liens, ce qui est essentiel dans le processus d'autonomie. Mais plus basiquement, il permet aussi à certains et certaines d'apprendre à cuisiner, précise Manon Binamé, éducatrice spécialisée chez Saphemo :
Ces personnes en autonomie dans des appartements individuels, mangent souvent seules. Et donc l'idée, c'est vraiment de les rassembler, que ces personnes aient envie de manger, vous voyez. Parce que quand on est tout seul, on n'a pas forcément envie de cuisiner, On n'a pas forcément envie de manger. On va plus vers la simplicité. Tandis qu'ici, on prend vraiment le temps de créer un repas ensemble et de profiter du moment pour échanger.
SAPHEMO SUIT 120 BENEFICIAIRES
Jean-Marie Stercks, lui aussi bénéfice de l'accompagnement de Saphemo. L'appartement supervisé lui convient très bien :
J'ai plein d'amis ici et encore des autres amis un peu plus loin. Comment je vois le futur ? Je le vois bien. Je n'ai pas de problème avec le futur. Tout va bien. Je me sens plus heureux que comme j'étais avant. Image![]()
Les onze membres de l'équipe éducative accompagnent les bénéficiaires dans tous les aspects de la vie : santé, gestion du budget, suivi psychologique, recherche d'emploi et bien sûr, occupation du logement. Saphemo dispose aujourd'hui d'une vingtaine d'appartements comme celui qu'occupe Valérie.
Je m'ennuie parfois. Quand je suis tout seule, je m'ennuie. Je tourne en rond. Alors, je vais marcher ou je nettoie l'appartement.
J'ai mon copain qui habite pas loin d'ici.
Valérie est suivie depuis deux ans. Selon son éducatrice référente, elle a pas mal évolué et évolue encore, nous confie Mégane Terrones, son éducatrice référente :
Par exemple, pour la liste des courses ou le menu de la semaine...
Au départ, on allait faire les courses avec elle, on lui montrait le magasin, les aliments, les prix les plus avantageux, on lui préparait des menus. Maintenant, elle le fait toute seule. Mais Valérie a toujours besoin d'un accompagnement régulier. Ma collègue et moi qui sommes référentes de Valérie, nous alternons nos visites. Il y a un passage deux fois semaine. Mais en plus de ça, comme c'est un appartement supervisé, d'autres collègues passent. En fait, il y a un passage tous les jours, week-end compris. C'est aussi en fonction de ses besoins, de sa demande. Sur quoi porte une entrevue ? Ça peut être une discussion sur un point qu'elle avait envie d'aborder, vérifier ses courses, son frigo... Ca peut être aussi une réponse à une demande plus spécifique comme l'accompagnement dans la vie de couple. D'ailleurs, avec ma collègue, on suit justement le compagnon qui, lui, vit chez ses parents. De temps en temps on les rencontre dans l'appartement de Valérie. Comme ça on suit le couple séparément mais aussi ensemble.
Maryse Bert est directrice adjointe de Saphemo. Le service est connu et reconnu. Aujourd'hui, les subsides publics sont là. Mais il reste un gros travail de sensibilisation à accomplir. Sensibilisation de la population en général et des propriétaires de logement en particulier.
Il y a tout un travail qui consiste à permettre aux propriétaires d'être en confiance. On leur explique que nous sommes derrière les personnes que nous accompagnons, que nos bénéficiaires vont faire de leur mieux pour accéder à cette autonomie, dans le respect de leur logement.
Après être passé par un appartement supervisé de Saphemo, le bénéficiaire doit se trouver son propre logement. Il faut donc partir à la chasse. Ce n'est pas évident, même si les mentalités ont changé positivement. Selon Joseph Mitanis, il y aurait toujours un certain rejet de la personne porteuse de handicap, mais moins qu'avant :
Avant, certaines personnes changeaient de trottoir lorsqu'elles nous voyaient avec une personne en situation de handicap. Je trouve que ça a changé. Probablement le fait de travailler en milieu ouvert avec le voisinage a contribué à ce que les personnes s'habituent à notre présence. C'est devenu quelque chose de plus normal dans la relation. D'ailleurs, il est indispensable de travailler en réseau avec le voisinage du bénéficiaire car notre équipe n'est pas suffisante pour accompagner 120 personnes. On doit construire tout un réseau autour du bénéficiaire.
L'APPARTEMENT, L'OUTIL DE BASE
Un réseau qui aide aussi à trouver un logement, explique Maryse Bert, directrice adjointe de Saphemo :
C'est le bénéficiaire qui prend en charge le loyer, même quand il est dans un logement supervisé. C'est lui qui paye son loyer avec ses revenus dès qu'il arrive chez nous. Les bénéficiaires sont autonomes financièrement. Après, il y a parfois des administrateurs de biens et on les aide dans une guidance budgétaire.
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Le logement supervisé dans lequel transite le bénéficiaire est un outil indispensable, explique Joseph Mitanis :
C'est un outil très très important dans notre travail pour pouvoir proposer un logement pas trop onéreux aux personnes et puis cet appartement, c'est l'outil de base pour accompagner la personne d'une manière plus ou moins intensive dans ses apprentissages vers plus d'autonomie.
S'il est nécessaire de sensibiliser les propriétaires d'appartements, la sensibilisation est importante aussi auprès des employeurs.
Le marché de l'emploi est assez restreint et donc, il faut régulièrement aller présenter ces personnes avec leurs difficultés et essayer qu'on puisse les mettre en action sur le marché de l'emploi. Mais ça peut être aussi à travers une participation sociale, une activité citoyenne qui permet par elle-même de sensibiliser des personnes extérieures.
Depuis un an et demi, Alexis habite seul dans son appartement à Auvelais. Il est suivi notamment par Charlotte, une éducatrice spécialisée. Agé aujourd'hui de 28 ans, Alexis a donc franchi le pas de la mise en autonomie. Une décision difficile, mais il le fallait, dit-il :
Sinon, ça va pas. J'ai passé l'âge d'habiter chez mes parents. Au début, c'était un petit peu très très très dur. Mais maintenant, je me suis habitué. Ce qui a été dur au début ? Quand je ne voyais plus ma maman tous les jours. Mais maintenant ça va. Ce qui est le plus chouette dans le fait de vivre tout seul dans son appartement ? On est tranquille, on a plus les parents dans le dos et tout va bien. Des fois je m'ennuie, des fois je vais me promener un petit peu pour prendre l'air. J'ouvre la télé, je joue ma ça. Est ce qu'il y a des choses que j'ai encore envie d'apprendre ? Oui, nettoyer et faire à manger.
Cet atelier cuisine mis en place par Saphemo n'est donc pas qu'une simple activité occupationnelle. Il fait partie du processus d'autonomie. Mais la transmission de compétences n'est pas une obsession pour l'équipe. En tout cas, des nuances s'imposent nous explique Charlotte Debrichy, éducatrice chez Saphemo :
Il y a des personnes qui ne sauront jamais cuisiner. Il peut y avoir un gros problème de mémoire. Maintenant, nous on met en place une série de choses à ce moment-là, quand on se rend compte que l'autonomie n'est pas possible. Ce n'est pas parce qu'elle ne sait pas cuisiner que la personne ne sait pas vivre seule. On va pallier à cette difficulté. Moi, quand j'ai un problème de voiture, j'appelle un garagiste.
Essentiel aussi pour l'équipe : ne pas tomber dans un rôle paternel ou maternel, mais rester professionnel avec la distance affective que cela implique. Ce qui n'empêche pas de se sentir proche de la personne accompagnée. Pas de dépendance affective donc.
Par contre, des liens forts se créent parfois entre bénéficiaires et on a des personnes qui ne se connaissaient pas et qui,grâce à l'organisation des activités, on commencer à apprendre à se découvrir. Je pense à une personne en particulier qui est devenue le parrain d'une des filles d'un couple. On a d'autres bénéficiaires qui en ont invités d'autres chez eux. Il y avait un match des Diables Rouges je crois, et ils les ont invités à regarder le match. Donc là, on peut parler d'affectif et de dépendance parce qu'on parle du réseau social de la personne.. Mais les employés de Saphemo gardent une certaine distance et restent professionnels.
En 40 ans d'existence, Saphemo a accompagné près de 300 personnes dans leur processus d'autonomie. Il y a eu des accidents de parcours, c'est certain, mais on constate très peu de véritables échecs, d'autant qu'il n'y a pas de date fixe ni de comportements type qui permettent de dire que l'autonomie est acquise. L'autonomie totale n'est d'ailleurs jamais vraiment atteinte. Saphemo accompagne donc la personne jusqu'à la fin de sa vie.
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